N° Matricule : 7838 - Matricule du fusil : 91.600 - Matricule du masque : 32

* Les astérisques renvoient dans la colonne de gauche

Jeudi 22 Avril 1927

Ce matin rassemblement à 7H30. Nous avons fait d'abord une leçon d'I.P. – Ensuite nous sommes descendus en armes. Nous avons fait quelques mouvements d'ensemble, et puis le lieutenant est venu nous trouver dans la cour en tenue, sa croix de guerre épinglée sur la poitrine. En quelques phrases il nous a dit que le peloton était terminé, nous a remercié de la bonne volonté que nous avions mise à lui faciliter la tâche, nous a dit quelques mots d'adieu et nous a ensuite serré la main.Le peloton est donc fini. Demain ce sera l'examen, nous verrons si nous pouvons faire des caporaux.

Pour l'après-midi, un peu d'assouplissement - Étude dans la salle des Écoles - Rien de bien intéressant à signaler si ce n'est une phrase prononcée dans la salle par le sergent Duchêne pour nous calmer :"Allons! Allons, lorsque je ne vous interroge pas je veux entendre du silence, lorsque je vous interrogerai vous parlerez tant que vous voudrez -

Ce matin à 7H15 rassemblement - Petite leçon d'I.P. par le caporal Le Bec - Théorie - Quelques mouvements d'arme; enfin la matinée s'est passée sans grande fatigue - Cet après-midi, c'était l'examen - Nous somme descendus à 1H1/4 en tenue III - L'examen a eu lieu dans les allées de Robien sous les grands hêtres dont les bourgeons sont déjà gonflés de sève, quelques feuilles se montrent même au bout des branches, mais pas assez, hélas! pour arrêter les rayons déjà chauds du soleil, et nous avons eu à souffrir de la chaleur pendant une bonne partie de l'après-midi - Rien de bien particulier cet examen; pas très difficile non plus. quelques exercices de rangs serrés et d'assouplissement, et deux ou trois questions de combat, c'est tout. Voilà pour la pratique; Demain ce sera les interrogations sur la théorie.

Tous ces jours-ci temps superbe, les arbres de la cour se couvrent de feuilles d'un vert tendre qui donne à la caserne un air un peu moins sévère; les parterres s'émaillent de fleurs : c'est le printemps -

A sept heures et quart commencent les interrogations pour l'examen, je passe d'abord "au" lieutenant Ami, un bon type qui me pose quelques questions faciles auxquelles je réponds assez bien. Puis c'est le capitaine Grincourt, qui, l'air sévère, pose quelques questions sur le "par cœur" et les gaz; enfin je m'en tire à peu près. Ensuite c'est au lieutenant Dupuis que je me présente, il m'interroge sur l'armement, je démonte et remonte la mitrailleuse, puis il me pose quelques questions qui m'embarrassent un peu; enfin une question d'I.P. à laquelle je réponds très bien. Je passe ensuite au lieutenant Conte qui pose une question sue le F.M. 24, une autre sur les consignes des sentinelles; je réponds bien et la note est bonne. Enfin il ne reste plus que le lieutenant de la Morinière qui interroge sur la topographie; il me fait mesurer un angle de marche, me fait lire sur la carte quelques signes conventionnels et c'est tout! L'examen est fini, dans quelques jours nous saurons les résultats.

L'après-midi nous n'avons rien à faire, quelques uns commencent à faire leurs sacs en vue du prochain retour à St Malo. Ce soir nous sommes allés à la cantine en vue d'enterrer le peloton, nous avons liquidé quelques bouteilles de pinard; nos caporaux, entre autres, avaient bu assez copieusement; enfin l'appel s'est passé sans incidents.

Réveil à 6H et Messe à l'abri où je vais pour la dernière fois avant mon départ pour St Malo. L'après-midi je suis allé faire un tour avec quelques copains jusqu'au Légué*, le temps est superbe et sur la route poudreuse le vent soulève de véritables nuages de poussière qui vous aveugle. Nous poussons jusqu'au phare, la mer baisse; de petits bateaux traversent la baie poussés par le vent qui gonfle leurs voiles. Nous revenons par le Légué, une fête foraine bat son plein. Un manège de chevaux de bois et deux manèges de balançoires attirent la jeunesse. Quelques baraques, loteries, tir au pigeon, marchands de jouets et même de bigorneaux autour desquels se presse une foule compacte. Quelques instant nous nous amusons à regarder la fête, et puis nous prenons le chemin de St Brieuc car il va être l'heure de la soupe. C'est sans doute la dernière fois que je vois la mer à St Brieuc, la grande grève de Cesson et le petit port de Légué.

Nous passons la journée à faire nos sacs et à emballer nos paquetages en vue du départ qui doit avoir lieu le lendemain. Le soir nous sortons en ville boire un coup pour fêter le départ.

Ce matin nous nous levons assez tard, le train ne part qu'à onze heures moins le quart et nos bagages sont préparés de la veille. Vers neuf heures le lieutenant vient nous faire ses adieux, nous féliciter de nos succès et nous serre la main. Puis nous descendons dans la cour où nous nous assemblons sous les ordres du caporal Le Bec. Nos ballots sont mis dans une voiture, et nous partons pour la gare. Là nous procédons à l'embarquement; un wagon a été mis à notre disposition, nous empilons nos bagages dans un compartiment, et nous nous installons tant bien que mal dans le reste du wagon. Du reste, la place ne manque pas car nous ne sommes que vingt-trois.

Enfin le train s'ébranle et nous emporte tout doucement vers St Malo. Instinctivement nous nous sommes mis à la portière, et dans le lointain nous regardons s'éloigner la ville de St Brieuc qui bientôt disparaît à nos regards. Au dehors tombe une petite pluie fine qui ruisselle le long des vitres des portières. Dans les champs reverdis par le printemps* les pommiers en fleurs émergent comme de jolis bouquets de roses. Tout à coup, à gauche, apparaît dans le lointain la grande baie d'Iffiniac. La mer est basse et la grève de Cesson découverte. Tout au fond, blotti au pied de la falaise, nous distinguons longtemps le phare du Légué; bientôt il n'est plus qu'un point blanc à peine perceptible, enfin un accident de terrain le dérobe à nos regards.

Le voyage s'effectue sans incidents et nous arrivons vers quinze heures à la gare de St Malo*. Tout de suite nous partons pour la Concorde où nous arrivons vers quinze heures trente. Nous faisons envoyer une voiture pour prendre les bagages à la gare. Le soir nous sommes sortis en ville, nous avons été au foyer où le père Howard nous a payé le coup.

Ce matin nous sommes allés à Rocabey*; ai passé un examen par le commandant Stiegler. Il nous a fait commander un peu, nous a dit que c'était pas mal; nous sommes revenus à la Concorde pour la soupe.

Depuis hier soir 6 heures je suis de garde au poste de la Concorde, pour la première fois comme chef de poste. Ca a très bien marché. Ce matin sont partis les derniers libérés. Ils sont partis bien contents de quitter la Concorde; dans six mois ce sera notre tour. Cet après-midi j'ai eu la visite du père Havard qui amenait un groupe de retraitants voir la caserne où ils iront bientôt remplacer les anciens, et en même temps nous inviter à aller les rejoindre ce soir après la soupe. Il est cinq heures et demi et je quitte la garde à six heures. Je vais tâcher d'aller voir le père Havard à Nazareth : c'est à deux pas d'ici.

De garde de six heures hier au soir à six heures ce soir. Hier, Dimanche, messe au foyer. Avant la messe je suis allé étrier 3 chevaux aux écuries. Hier après-midi je suis retourné avec quelques copains de Rocabey voir le père Havard. Il n'y avait plus d'organiste au foyer, je me suis proposé pour le remplacer; le père Havard a été très content. Aujourd'hui la journée a passé tranquillement; les anciens sont montés au troisième, moi je reste au premier comme chef de la quatrième pièce. Les bleus arrivent dans deux jours, tout est prêt pour les recevoir.

Toute la matinée nous avons commencé l'instruction des bleus arrivés la veille au nombre de onze. Tout à l'heure, sept autres sont arrivés à la caserne où ils ont été envoyés directement aux douches. La plupart ont le cafard, mais ils ne se sont font pas trop prier pour faire les corvées. Demain, dernière journée de l'arrivée des bleus, ensuite il faudra recommencer les classes.

Depuis déjà plus d'un mois nous instruisons les bleus, ils commencent à marcher à peu près en ordre au pas cadencé. Depuis un mois j'ai eu quelques mauvais moments à passer, mais je crois que le plus dur est fait.

pour commencer nous étions huit caporaux avec chacun une pièce de six hommes. Puis quatre caporaux sont partis pour le camp avec les réservistes, nous laissant à chacun un groupe. Enfin, le caporal Lebrun, avec qui je partageais la section, à toujours été absent : en corvée ou en permission, me laissant seul pour toute la section; ainsi, pendant quatre semaines, je me suis "tapé" l'instruction de la première section. Enfin, avant-hier, les réservistes sont rentrés du camp ainsi que nos caporaux et l'adjudant de la compagnie. Celui-ci s'est mis aussitôt à organiser l'instruction.

- Et enfin un sixième apprend aux bleus la théorie sur le fusil, la mitrailleuse, etc. C'est hier midi que l'adjudant à désigné à chacun son rôle.

Pour mon compte, j'ai été chargé de faire rentrer la théorie dans la tête des bleus, et j'ai commencé hier après-midi à leur apprendre la mitrailleuse. C'est le filon car je n'ai plus besoin de crier des commandements et de faire des mouvements d'armes toujours fatigants.

Lorsqu'il est l'heure du rassemblement - six heures et demi le matin, treize heurs trente le midi - je vais faire porter ma mitrailleuse à l'ombre d'un platane dont le feuillage épais me protège contre les rayons déjà chauds du soleil; et là, entouré de ma classe, je fais rentrer une à une les pièces de la mitrailleuse dans la cervelle des bleus. Quelques uns apprennent facilement, d'autres ont la tête dure, mais tous y mettent de la bonne volonté, et je pense qu'avec le temps nous arriverons à quelque chose.

Nous faisons la pose toutes les demi heures environ, et à chaque reprise, ma classe est remplacée par une nouvelle dont elle a pris la place. cette méthode très en honneur à la C.M.3 donne paraît-il d'excellents résultats. C'est aussi mon avis.

Ce matin nous avons été passer l'inspection du chef de bataillon. Cet après-midi : nettoyage du casernement, revue de cuirs. Je vais tâcher de sortir ce soir.

Hier soir, je suis allé au foyer à St Malo. L'aller fut charmant, je n'étais pas sorti depuis une semaine et le grand air me paru délicieux; le vent était assez fort mais pas froid; la mer était basse, je m'amusais à regarder les baigneurs encore peu nombreux et le chemin me sembla court.

Au retour ce fut autre chose; je partis de St Malo vers huit heures dix et me dirigeait vers le port, mais entendant le bruit des vagues contre les remparts je voulu voir la mer en furie.

J'aime beaucoup la mer, mais hier au soir je me suis aperçu que cela pouvait avoir de fâcheuses conséquences. Faisant donc demi tour je me dirigeais vers le quai des corsaires; là, le spectacle était magnifique, la mer était haute, et les vagues venaient maintenant se briser en mugissant contre la haute muraille de granit en projetant en l'air des gerbes d'écumes blanches. Je regardais quelques instant cet imposant spectacle et je redescendis vers le pont; hélas, celui-ci était levé et plusieurs bateaux anglais chargés de pommes de terre prenaient la mer. J'attendis quelques instants mais d'autres bateaux s'apprêtaient à sortir, et il était huit heures et demi. Je n'avais plus qu'une solution, faire le tour du bassin, ce qui m'allongeait au moins de quinze cents mètres, c'est ce que je fis au pas de gymnastique. Je réussis à courir les quatre kilomètres deux cents qui me séparaient de la Concorde en vingt-cinq minutes à peu près, lorsque je passais au poste la pendule marquait neuf heures huit! et le sergent de semaine m'attendait sur le perron pour siffler l'appel, il était temps.

Aujourd'hui messe au foyer à neuf heures. En revenant de St Malo j'ai beaucoup admiré les jolis tapis de sciure de bois qui décoraient les rues de St Malo et de St Servan, il y en avait de magnifiques, surtout dans la grande rue de St Servan.

Nous venons de manger la soupe. Ce matin les jeunes soldats ont commencé les épreuves types; ils continueront ce soir.

Hier, l'après midi, j'ai fais une charmante promenade. J'avais d'abord projeté de pousser jusqu'à Paramé pour la plage, mais devant la longueur du trajet, j'ai fais demi tour et suis revenu sur St Malo. Je me suis d'abord amusé à décoller de ces coquillages coniques dont les rochers sont tout couverts; et puis comme la mer était basse j'ai poussé jusqu'au Grand Bey en utilisant la petite digue en maçonnerie. Il y avait quelques promeneurs comme moi pour voir le tombeau de Chateaubriand. Du bout du Grand Bey le décor était superbe. Au large nous voyions les vagues écimer sur les brisants. En dessous de nous la mer grondait entre les rochers sur lesquels venaient se briser les vagues qui rejaillissaient en gerbes d'écume.

Lorsque je quittais le Grand Bey, la mer avait encore baissé, le vent était moins fort; la mer, plus calme, avait pris une teinte vert foncé et les lames au loin brillaient au soleil. Je montais sur les remparts d'où je contemplais tout à mon aise ce joli spectacle.

Hier au soir après la soupe je suis retourné au foyer; nous avons eu le salut de la T S F et une loterie où j'ai gagné une carte postale.

De garde au poste de la Concorde depuis hier au soir, j'ai passé toute la journée au poste. J'en ai profité pour écrire, le reste du temps j'ai lu et roupillé.

Il est maintenant cinq heures moins le quart et à travers la fenêtre je regarde les bleus manœuvrer dans la cour en colonne par quatre. Depuis une quinzaine ils ont fait beaucoup de progrès et, ma foi, ils manœuvrent pas mal.

Je ne vais sans doute pas sortir ce soir, pourtant le temps est beau et le soleil luit. Mais il faut que je fasse quelques lettres à l'occasion de la St Jean.

Hier après midi remise de la fourragère par le commandant Lebas. Le commandant Stiegler prend officiellement le commandement du bataillon.

Ce matin à Rocabey revue du général Barge - Inspection - Le général Barge est monté à la Concorde. J'étais aux portes avec trois hommes, j'ai fais rendre les honneurs. Ce soir je ne suis pas sorti. Il est neuf heures et demi, je vais me coucher. Bonsoir.

Ce matin, messe au foyer : assistance peu nombreuse (une dizaine). J'étais seul de la Concorde... à cause du mauvais temps; cet après-midi il fait beau; pas un seul bleu n'est sorti aujourd'hui. Ils ont passé la journée à nettoyer des fusils et des mitrailleuses.

Je m'attendais aujourd'hui à recevoir mon certificat pour partir en permission agricole; je n'ai encore rien reçu. S'il ne vient demain je crains fort de ne pouvoir obtenir ma permission. Enfin, espérons.

Ce soir je suis de garde au poste jusqu'à demain soir... avec un début de cafard.

Rentré de permission agricole de vingt jours, mardi dernier 19 juillet (parti le 29 juin). J'ai recommencé l'exercice hier matin seulement. Jeudi j'étais de garde.

Vers neuf heures, hier matin, la pluie nous a fait remonter dans les chambres où nous avons fait la théorie sur la Hotchkiss* presque toute la journée.

Hier soir marche de nuit, nous sommes partis à neuf heures et rentrés à onze heures du soir après avoir fait une dizaine de kilomètres. Ce matin je suis allé conduire à la Varde un petit détachement de huit hommes et deux mitrailleuses : départ de la Concorde à cinq heures et demi. Il y avait aujourd'hui à la Varde concours pour tous les s/officiers du bataillon; ils ont brûlé plus de cinq mille balles à la mitrailleuse. Nous sommes rentrés à la Concorde après la soupe.

J'écris ces lignes avec un joli petit crayon que j'ai trouvé tout à l'heure sur la route entre Paramé et la Varde.

Quel charmant pays par là, la plage de Paramé est magnifique et de la pointe de la Varde le coup d'œil est superbe. En face, de l'autre côté de la baie on aperçoit St Malo avec ses remparts et ses maisons tassées surmontées de la flèche de la cathédrale qui fait une hauteur de soixante dix mètres et dépasse d'au moins trente mètres les plus hauts monuments. Auprès, le rocher du Grand Bey dont la masse imposante nous cache une partie de Dinard que nous apercevons plus loin de l'autre côté de l'embouchure de la Rance. Enfin, au large, c'est la pleine mer sur laquelle vogue une infinité de petits voiliers, bateaux de pêche ou de promeneurs. Aujourd'hui un gros cuirassé mouillait en rade de St Malo et c'était amusant de voir ces petits bateaux, gentilles coquilles de noix; voguer autour de ce géant des mers immobile.

Cet après-midi revue d'armes pour les bleus, il faut que je me rase car j'ai envie de sortir ce soir; et demain à six heures départ pour une excursion au Mont St-Michel. Nous sommes douze de la Concorde qui y prenons part, s'il fait beau ce sera sans doute intéressant.

Revenu enchanté de mon petit voyage au Mont St Michel. Le matin nous sommes partis par le train de six heures cinquante quatre, un wagon avait été mis à notre disposition; nous étions en tout soixante huit. A Pontorson nous changeons et nous prenons le petit train à voie unique qui va au Mont St Michel. Bientôt le pays devient plus plat et par endroits nous voyons des plaques de sable dépourvues de végétation; dans les endroits un peu plus élevés pousse une herbe d'un vert tendre où paissent des moutons par centaines. Nous côtoyons longtemps le Couesnon qui sépare la Bretagne et la Normandie et passe à quelques mètres du Mont. Bientôt dans le lointain il nous apparaît d'abord tout petit, mais grossissant à mesure que nous nous rapprochons. Enfin le tramway arrête au pied des remparts. Nous traversons une petite passerelle en bois et nous rentrons à l'intérieur sur une petite place autour de laquelle se trouvent les fameux hôtels 'Poulard"*; puis une petite rue qui monte bordée de magasins où l'on vend des cartes postales et des souvenirs du Mont.

Nous arrivons à la petite église paroissiale où nous entendons la messe que dit le père Havard. Le chapelain nous fait un petit sermon et nous chantons quelques cantiques (c'est moi qui tient l'harmonium).

Après la messe nous descendons sur la grève pour casser la croûte assis sur les rochers. Tout en faisant la digestion je remplis quelques cartes postales sur un rocher plat; cartes que d'ailleurs je n'ai pas pu envoyer du Mont n'ayant pas trouvé de timbres.

L'après-midi nous visitons l'abbaye. C'est très intéressant. L'église moitié romane, moitié gothique, est très jolie; elle est construite sur le sommet du rocher à soixante-dix-huit mètres du niveau de la mer, elle fait elle-même soixante-dix mètres de hauteur, surmontée d'une statue de St Michel de quatre mètres de haut et qui, d'en bas, paraît grosse comme un oiseau : cette statue est placée à cent cinquante mètres d'altitude! Avec un guide qui nous explique les principaux détails, nous visitons successivement le Grand Escalier, l'Église, la Grande plate-forme, le Cloître avec ses merveilleuses colonnettes de granit rose, le Réfectoire des moines avec ses soixante fenêtres, la Crypte, la Salle des gros piliers (six mètres de tour chacun), la Grande Roue qui servait à monter les vivres, le Réfectoire des Étrangers avec ses immenses cheminées, la Salle des Chevaliers, la Salle aux colonnes carrées, etc. Ensuite nous avons visité le musée avec son intéressant périscope.

Il était quatre heures moins dix quand nous sommes remontés dans le petit train qui devait nous ramener à Pontorson. Là nous avons pris l'express de St Malo où nous sommes arrivés vers sept heures. Nous avons mangé la soupe au foyer et fumé un cigare offert par le père Havard. Je suis rentré et me suis couché d'assez bonne heure.

Hier à la Varde toute la journée, en ma qualité de plus ancien caporal, j'ai conduit la compagnie à l'aller et au retour les sergents étant tous absents. Nous avons passé une journée assez tranquille. le midi j'ai trouvé quelques moules que j'ai fait cuire et mangé. Nous sommes rentrés vers cinq heures.

Hier au soir nous avons procédé au chargement du matériel pour le camp. Je suis chef de la première pièce, groupe du sergent Niget.

Ce matin je me suis fait porter malade pour la colique mais je n'ai pas été reconnu, maintenant ça va mieux.

En attendant la soupe je profite d'un instant pour écrire quelques impressions.

Hier nous sommes allés de St Malo à Coëtquidan. Départ de la Concorde pour Rocabey à sept heures et demi. Là le commandant passe la revue. A neuf heures et demi nous partons pour la gare, le train part vers dix heures et demi. a Rennes nous avons environ une demi-heure d'arrêt. Nous cassons la croûte dans les wagons. Nous passons ensuite par Messac, là j'ai l'occasion de voir Émilie au passage; elle aussi m'aperçoit et m'envoie un salut de la main.

Arrivée à Guer vers trois heures et demi nous faisons deux pauses et parvenons au camp vers quatre heures et demi du soir. Nous nous installons dans des baraques en planches à l'extrémité ouest des bâtiments. Le soir j'ai pu sortir, je suis descendu voir Marcel Rochedreux. Aujourd'hui j'étais "de jour" bloqué jusqu'à la soupe de six heures. Mais après la soupe je suis allé voir les baraques du 2ème Colonial et je trouve trois copains de Langon : Pierre Gautier, Albert Philippe et Joseph Delalande; nous descendons ensemble jusqu'à Bellevue.

Aujourd'hui, manœuvre toute la journée. La matinée nous nous sommes trempés car la pluie tombait à verse et il fallait se coucher dans l'herbe mouillée. Ce soir après la soupe je suis descendu à St Malo de Beignon, j'ai trouvé Marcel à Coquinville et je suis allé avec lui. J'ai 'fais' quelques bocks avec son petit commis Alexis et suis remonté au camp juste pour l'appel.

Aujourd'hui la journée a été dure. Ce matin manœuvre jusqu'à dix heures et demi. Nous sommes repartis à midi pour le tir (champ de tir N° 3) et nous sommes rentrés pour la soupe. Ce soir nous partons en manœuvre de nuit à huit heures et demi.

Arrivé de marche de nuit à onze heure et demi, réveil le matin à six heures., départ sept heures et demi. Toute la matinée manœuvre avec les tanks sous le commandement du commandant Stiegler; Rentrée à onze heures.

Cet après-midi revue d'armes démontées à trois heures. Départ à trois heures et demi, nous allons à deux cents mètres de la baraque sous des sapins. Théorie sur le niveau, le ..... et le tir indirect.

Au tir toute la journée. Nous revenons le midi, juste le temps de manger la soupe. C'est le matin qu'a eu lieu le concours de tir entre les 3.CM du régiment. Nous tirons un groupe (2 pièces) de chaque C.M. . En quarante cinq secondes ma pièce tire six bandes et demi, mais l'autre pièce s'enraye à la deuxième bande, ce qui nous fait perdre le concours. C'est le C.M.1 de St Brieuc qui nous bat. (71 points à 66).

L'après-midi nous retournons au tir, chaque pièce a encore quatre caisses de cartouches à tirer. Nous faisons une petite manœuvre en tirant des cartouches réelles; nous sommes obligés d'arrêter avant d'avoir épuisé toutes nos munitions, les pièces étant trop rouges et trop encrassées pour continuer le tir.

Le soir un malheur fut évité de justesse. J'étais envoyé en corvée de cibles qui se trouvaient à sept cents mètres sur le flanc d'une colline. J'avais avec moi une douzaine d'hommes. Arrivés à cent mètre des cibles, les voltigeurs dont le champ de tir est au près du notre se mirent à ouvrir le feu; nous nous trouvions à ce moment presque derrière leurs cibles. Dès les premiers coups de fusil nous entendîmes les balles siffler au dessus de nos têtes; nous n'avons pas été longs à nous aplatir dans les bruyères, et lorsque la rafale a été passée nous avons emmené les cibles en vitesse, j'avais eu chaud!

Le soir je suis descendu chez Marcel Rochedreux avec Pierre Gautier, nous avons 'fait' des sodas, bu un coup; nous sommes revenus juste à l'heure de l'appel.

Toute la matinée manœuvre aux environs du champ de tir N°1. Nous avons mangé sur le terrain, au dessert la musique de St Brieuc nous a donné un concert. Tout l'après-midi nous avons fait des tirs à quatre cents et sept cents mètres, ma pièce a très bien fonctionné et en moins d'une demi-heure j'ai passé vingt huit bandes de cartouches.

L'après-midi revu de casernement, d'outils, de matériel, etc. Vers quatre heures un photographe passe auprès de la baraque, nous en profitons pour nous faire photographier; ce sera un petit souvenir du camp.

Ce matin personne ne devait sortir avant midi, j'ai pu aller à la messe à la chapelle du camp; c'est un prêtre réserviste qui a dit la messe. Il y avait pas mal de monde, de généraux et officiers.

Cet après-midi je suis descendu chez Marcel avec Pierre Gautier et Félix Hamon, nous avons passé tout l'après-midi chez lui et ne sommes revenus qu'à l'appel.

Je viens de faire ma liste de permissionnaires de quarante-huit heures pour dimanche et lundi quatorze et quinze août (car au camp je suis chef de chambrée). Sur les trente-deux hommes affectés à ma baraque, vingt-huit ont demandé des permissions. Je crois qu'il y en aura pas mal de supprimés, pourvu qu'on ne raye pas mon nom, je voudrais bien m'en aller dimanche.

Ce matin nous avons fait une petite manœuvre, la pluie nous a forcé à rentrer vers dix heures. Cet après-midi nous sommes allés faire le parallélisme des pièces du côté du vieux camp.

Hier soir nous devions faire une manœuvre de nuit mais elle n'a pas eu lieu à cause du mauvais temps.

Ce matin manœuvre du côté de la tannerie, ça n'a pas été trop dur; nous sommes rentrés vers onze heures. Cet après-midi exercices de mise en batterie du côté du vieux camp; la pluie est tombée presque tout l'après-midi, nous avons été la plupart du temps à l'abri sous des vieilles baraques; nous sommes rentrés de bonne heure.

Ce soir je suis sorti avec les copains du pays, nous sommes allés boire un coup à la cantine du SOS. Nous avons touché deux paquets de cigarettes et un paquet de tabac supplémentaires.

Ce matin départ à neuf heures et demi: direction la côte 116. Nous avons été servir de plastrons* pour une attaque des réservistes avec chars d'assaut. Nous sommes rentrés vers dix heures et demi. Cet après-midi rassemblement à une heure moins le quart, départ à une heure, tenue de campagne complète.

Aujourd'hui réveil à cinq heures, départ à six heures; nous avons été en manœuvre à un kilomètre de l'autre côté de Beignon près d'un village abandonné "La ville Quinio". Nous nous sommes mis comme plastron pour une attaque avec chars d'assaut dans d'anciens champs labourés remplis de pommiers garnis de pommes. Les chars nous ont attaqués vers neuf heures, l'un d'entre eux est même passé sur une mitrailleuse de la CM2 et l'a écrasée, les servants ont eu juste le temps de se sauver pour ne pas passer sous le char. La manœuvre s'est terminée vers onze heures, nous avons mangé la soupe sur le terrain.

Après la soupe nous sommes partis pour le champ de tir numéro 3 où nous avons fait quelques tirs. Nous sommes rentrés vers quatre heures pour la grande revue du général de corps d'armée.

Ce matin nous avons fait une manœuvre assez dure, nous avons progressé d'au moins trois kilomètres avec nos mitrailleuses, il était midi quand nous sommes revenus pour la soupe.

Vendredi et samedi dernier nous avions aussi fait la manœuvre comme d'habitude; vendredi du côté des bosses, samedi du côté de la ferme Vinouze et Moulin d'Haro.

Samedi, l'après-midi, nous sommes partis en permission de 48 heures pour la mi-août. Depuis Guer nous avons pris un train spécial à deux heures et demi; arrivée à Messac vers trois heures et demi nous avons attendu jusqu'à cinq heures et demi le train pour Redon.

Lundi soir je suis rentré de permission à la gare de Guer vers neuf heures du soir; au camp vers une heure du matin.

Pendant ma permission j'ai pu constater que le travail n'est pas en avance cette année. Chez nous le grain est à peine commencé à couper, ce n'est pas étonnant avec ce temps, depuis deux mois la pluie tombe à peu près tous les jours. Enfin espérons que cela va finir, la récolte quoique endommagée n'est pas encore entièrement perdue mais il est temps.

Cet après midi nous n'avons pas fait de manœuvre, nous avons nettoyé le matériel et ensuite nous avons eu des douches. Au camp les douches sont très bien installées, chaque homme a sa cabine spéciale, une poignée placée au milieu de la cabine d'avoir de l'eau ou de l'arrêter à discrétion.

Départ ce matin à sept heures. Nous sommes allés presque jusqu'aux deux bosses dans la direction de la "Ville Quinio" pour une manœuvre avec le 48, le long du parcours nous avons trouvé plusieurs fermes abandonnées et à moitié démolies par l'artillerie. Nous avons trouvé un grand village inhabité, depuis longtemps les maisons sont en ruines, les murs couverts de lierre quelques arbres fruitiers à demi morts et à moitié étouffés par les ronces marquent l'emplacement de ce qui fut un jardin; et il se dégage de ces ruines, de ces maisons saccagées où vécurent autrefois de paisibles campagnards et qui sont maintenant entourées de broussailles et de silence, comme une sensation indéfinissable de mystère et de crainte qui nous fait froid au cœur.

Tout le reste de la semaine s'est passé en manœuvres, excepté samedi après midi où nous avons eu revue de départ, car nous partons lundi matin. Nous avons fait nos sacs et astiqué nos armes. Le soir je suis descendu avec Émile Gauvin voir Marcel Rochedreux. Le matin je suis allé à la messe à la chapelle à neuf heures. L'après midi nous sommes descendus Émile Gauvin et moi à St Malo de Beignon, nous avons mangé chez Marcel et nous sommes remontés de bonne heure au camp, vers sept heures.

Départ du camp à sept heures et demi, nous sommes descendus par St Malo de Beignon, nous sommes passés à Paimpont vers neuf heures et demi. Arrivés vers onze heures à Concoret après avoir fait environ dix-huit kilomètres nous avons cantonné un groupe dans une petite ferme à cent mètres du bourg, les habitants ont été bien chics envers nous, nous avons eu à boire à discrétion toute la journée et nous leur avons donné un coup de main pour ramasser le reste de leur moisson.

Réveil ce matin à cinq heures à Concoret, nous quittons le pays des "sorciers" vers six heures et demi. A neuf heures nous traversons Gaël après, en ce qui nous concerne, avoir évité le camp d'aviation. Arrivés à St Meen le Grand à dix heures et demi nous sommes cantonnés dans un ancien séminaire très vaste mais délabré - une partie des bâtiments sont habités par quelques ménages , le reste est à l'abandon - . Nous sommes plus de six cents soldats à loger ce soir. Je suis sorti en ville tout l'après midi et après la soupe jusqu'à huit heures. Le temps était assez mauvais avec de nombreuses averses de pluie. La ville de St Meen n'est pas trop mal, ce n'est pas bien grand mais assez plaisant. Le colonel logeait dans la maison d'Auguste Rivière, marchand de vin, ancien langonnais.

Ce matin nous avons quitté St Meen vers six heures après avoir rendu les honneurs au drapeau devant le monument aux morts de la guerre.

De St Meen à Broons où nous allons la route n'est pas longue, dix sept à dix huit kilomètres, pas plus. A la première pause nous cassons la croûte comme d'habitude. Nous traversons ensuite le petit bourg de Plumaugat à six kilomètres environ avant Broons. A Broons la place est limitée car nous sommes deux régiments; le 48ème arrive en même temps que nous et il faut se tasser un peu pour trouver où se loger, enfin nous y arrivons quand même tant bien que mal.

Je loge avec mon groupe chez un marchand de chiens dans un petit grenier où la paille ne manque pas. Au rez-de-chaussée logent des nichées de petits chiens, ils sont une vingtaine. Les grands qui sont plus de quarante logent plus loin dans une grande cour entourée de grillage où ils ont des niches pour dormir. Ce sont tous des chiens de chasse, leur patron passe son temps à les dresser et les nourrir.

Je n'ai presque pas pu sortir aujourd'hui, j'étais occupé toute la journée. Cet après midi je suis allé avec un copain reconnaître le train en gare de Broons: il y a trois kilomètres. Après la soupe ce soir je suis resté au cantonnement avec les hommes de piquet tous les autres gradés étant partis à la gare conduire le matériel. Je me suis tout juste échappé un quart d'heure à peine pour aller acheter des cartes postales en ville. Broons* est une petite ville assez coquette, mais vraiment petite. Sur la grande place devant l'église se trouve la statue de Du Guesclin natif du pays.

Nous sommes partis de Broons ce matin à cinq heures et demi et nous avons pris le train vers sept heures, nous voilà en route pour St Malo.

A Rennes nous avons au moins trois heures d'arrêt, on en profite pour casser la croûte; on organise une corvée de cidre et on nous distribue à boire dans les wagons. Nous quittons Rennes à onze heures et demi et arrivons à St Malo vers midi et quart.

Nous avons été dirigés directement sur Rocabey où nous logerons dans la petite caserne (Petit Rocabey) jusqu'au dix neuf septembre, date à laquelle la caserne de la Concorde, consignée pendant quarante jours à cause de la scarlatine, sera déconsignée. Ici nous sommes assez bien installés dans des chambres carrelées, c'est propre. Nous sommes au premier. Dans ma chambre nous sommes vingt en tout, c'est un peu serré.

Même jour, après l'appel, j'arrive au foyer voir le père Havard; ce soir il y avait pas mal de monde, l'aumônier fut content de nous revoir, nous avons eu un peu de T.S.F.

Ce matin à sept heures et demi nous sommes partis pour la Concorde dans le but de ramener nos affaires restées là-bas depuis notre départ pour le camp: boites à paquetages, sabots, treillis, etc. ; nous avons avec nous une voiture où nous avons mis tout notre fourbis.

A la Concorde nous avons revu l'adjudant Guénard et le caporal Lebrun qui sont eux aussi consignés dans la caserne.

Aujourd'hui nous avons repos ainsi que demain. Nous en profitons pour nettoyer le matériel, les fusils, et laver le linge sale. Je vais tacher de sortir ce soir, maintenant il est l'heure de la soupe.

Depuis six heures ce soir je suis de garde au Talard avec quatre hommes; c'est la première fois que je prends la garde ici.

Cette journée s'est assez bien passée. Ce matin nous recommencions l'exercice, ce qui nous a paru un peu dur après les quelques jours de repos que nous venions de prendre. Nous avons commencé à sept heures par une leçon de théorie; à sept heures et demi éducation physique, et de huit heures à dix heures et demi exercices de toutes sortes.

Cet après midi nous sommes partis vers une heure et demi dans la direction de Paramé, nous avons fait une grande tournée dans la campagne en se guidant avec la carte et nous sommes rentrés pour la soupe.

La journée d'hier s'est aussi très bien passée. Le matin je suis allé à la messe au foyer, il y avait pas mal de mitrailleurs. L'après midi je suis allé aux courses de St Malo (dernière journée), il y avait une foule considérable. Les courses, favorisées par un temps superbe, furent très réussies. Il y eut un petit accident : à la course militaire un cheval se tua et son jockey - un chasseur - blessé. Je suis rentré pour la soupe à cinq heures et demi. Ensuite, vers six heures et demi je suis sorti faire un tour sur le sillon. Je n'avais jamais vu la mer si jolie. Elle baissait, ses flots arrivaient juste au pied de la digue où les vagues venaient se briser de loin, je les regardais venir, grossir, écumer, approchant du bord, enfin se jeter en grondant contre la digue où elles se pulvérisaient en écumes blanches qui jaillissaient parfois à plus de dix mètres au dessus du mur de granit, semblaient s'élever jusqu'au ciel, obscurcissaient un instant les rayons du soleil couchant et retombaient en pluie fine en inondant les passants qui s'approchaient un peu trop près.

Je suis allé ensuite au foyer où nous avons eu un salut et un peu de T.S.F.. Je suis rentré pour l'appel car je n'avais pas de permis de minuit.

Je termine, il est neuf heures et quart, j'ai a moitié envie de dormir, mes hommes sont encore à jouer à la manille... moi je ne sais pas jouer... et puis... ça ne me dit rien. Je vais me coucher sur ma paillasse et je pense que je ne vais pas être longtemps sans pioncer, bien qu'il n'y ait pas de polochon au poste. maintenant je dors n'importe où, j'ai pris l'habitude au camp;

Ce matin je me suis réveillé à six heures moins cinq, j'ai aussitôt envoyé mon planton chercher le jus et le casse-croûte à Rocabey.

Le commandant du bureau de recrutement est arrivé vers six heures et demi, mais il n'a fait qu'entrer et sortir.

La journée s'est très bien passée. Cet après midi nous avons fait une partie de carte pour nous désennuyer. A trois heures il y avait la visite, sont venus plusieurs jeunes gens qui veulent devancer l'appel.

Depuis quelques jours le temps, qui était très mauvais depuis très longtemps, s'est enfin tourné au beau. Aujourd'hui il a fait un temps superbe. Il est maintenant cinq heures, mon planton est parti chercher la soupe, il ne doit pas tarder à revenir. A six heures je serai relevé. Je vais tâcher d'aller ce soir faire un tour sur le sillon, c'est aujourd'hui la grande marée, la mer va être jolie.

Tous ces jours-ci il fait un temps magnifique, si cela continue nos aviateurs ne vont pas tarder à s'envoler pour l'Amérique.

Avant hier je suis allé faire un tour le long de la mer avec le caporal Delarose; nous sommes allés jusqu'à la pointe de la Varde, la mer était basse et nous sommes passés par la plage. Depuis St Malo jusqu'à Paramé la plage était couverte d'une foule de baigneurs aux costumes multicolores. Lorsque nous sommes revenus le soleil à l'horizon disparaissait dans la mer qu'il empourprait de ses derniers rayons pendant qu'au loin les phares allumaient leurs feux rouges et blancs.

Hier au soir j'avais une permission de minuit, je suis allé voir avec des copains le cinéma en plein air sue la place Chateaubriand. Nous sommes rentrés vers quatre heures et demi.

Ce matin nous avons fait l'exercice toute la matinée. Cet après midi nous faisons une petite manœuvre en campagne.

De garde au poste de Rocabey avec le sergent Girant comme chef de poste. Je viens de porter la soupe à trois marins qui sont en tôle depuis quatre ou cinq jours, ils ne s'en font pas.

Toute la matinée le temps a été assez beau, mais cet après midi celui-ci s'est gâté et par instants tombe une petite pluie fine et il ne fait pas très chaud.

Le commandant est venu ce matin vers dix heures et quart, il était en civil; nous lui avons présenté les armes car ici nous prenons la garde complète.

Il est maintenant trois heures et demi, le sergent est en train de s'entraîner à jouer du banjo, moi je passe le temps en lisant le Nouvelliste et en fumant des cigarettes. La relève est à six heures. Ce soir il faudra que j'aille toucher des vivres pour demain car nous allons à la Varde au tir toute la journée et nous mangeons sur le terrain.

Hier soir lorsque la garde a sonné j'arrivais de la cuisine et je n'avais pas eu le temps de manger ma soupe, j'ai pris mes équipements en vitesse et suis descendu aussitôt sans avoir le temps de changer de tenue ni même de cirer mes chaussures, j'avais même oublié ma cravate. L'adjudant Hue qui était de service me l'a fait remarquer et m'a dit que lorsqu'il passerait au poste ce matin il fallait être propre à cause de la visite du général Poupard, je me suis donc débrouillé pour cirer mes souliers et trouver une cravate; mais ce matin, lorsque l'adjudant est repassé il a trouvé que ma vareuse n'était pas assez propre pour la circonstance et que j'aurais du la changer ce matin. En conséquence il m'a averti que j'aurais une punition. je ne sais pas ce que je vais attraper, sans doute de la salle de police; je saurai ça ce soir ou demain.

Ce matin vers huit heures j'ai eu la visite du général, j'étais assis à la table en train de lire le journal, il est entré dans le poste sans crier gare. Il m'a demandé si le commandant était là, je lui ai répondu que oui et lui ai indiqué le bureau; il n'est pas resté au Talard plus de cinq minutes, il était accompagné d'un civil.

En ce moment mon planton est à la soupe, il est onze heures. La pluie est tombée presque toute la matinée; à présent le temps est un peu plus beau mais la température est assez froide. Pour le moment j'ai à moitié froid aux pieds.

Six heures du soir. Ca y'est, ça n'a pas traîné, ce soir je couche en salle de police. Le fourrier m'a informé en arrivant de la garde que j'en avais pour six jours. En attendant l'heure je vais aller boire un coup à la cantine avec les copains.

Aujourd'hui je reste enfermé toute la journée; je suis sorti à peu près une heure ce matin pour aller prendre le jus et me débarbouiller.

Il est maintenant onze heures moins dix, on doit bientôt m'ouvrir la porte pour aller à la soupe. En ce moment la pluie tombe à verse, je l'entends qui carillonne sur le toit. Je suis tout seul dans ma piaule car je suis le seul caporal puni en ce moment.

Je ne suis pas trop mal ici, j'ai quatre bonnes paillasses et avec mes couvertures je n'ai pas froid. Je dors aussi bien ici que dans mon lit. Tout autour de la pièce il y a des paquetages de marins; ils sont trois en prison dans la pièce à côté et ils ont mis ici toutes leurs affaires. Ils sont moins bien que moi car ils n'ont pas de paillasse et sont obligés de coucher sur la planche; il doit y avoir parmi eux un caporal clairon car auprès de moi il y a une vareuse avec des galons de quartier-maître et un clairon auquel il manque une embouchure.

J'ai reçu hier midi une lettre de chez nous m'annonçant qu'il y a aujourd'hui des boudins au Vaulay; ça me donne à moitié le cafard. Je pense que je serai mieux en train de manger un bout de boudin en ce moment çi que d'être ici couché sur une paillasse en train de ruminer sur les inconvénients de descendre à la garde sans cirer ses souliers.

Heureusement qu'on a pas eu l'idée de me fouiller, j'ai du tabac dans mes poches et pour passer le temps je grille des cigarettes. J'ai même réussi à passer quelques bouquins que je m'amuse à lire, et un bout de bougie pour le soir que je cache sous mes paillasses.

Enfin, je ne trouve pas la salle de police bien dure. Ce qu'il y a de plus embêtant c'est que le lieutenant m'a averti qu'il me supprimait deux ou trois jours de permission de bon soldat que nous devons avoir ces temps-ci; enfin on verra.

il est maintenant quatre heure et demi, on va bientôt venir m'ouvrir pour la soupe. Ce midi je suis resté dehors depuis la soupe de onze heures jusqu'à deux heures; j'en ai profité pour me raser;

Aujourd'hui exercice toute la journée. Je suis en taule depuis sept heures. J'écris ces lignes à la lueur d'un bout de bougie que j'ai réussi à camoufler et que je place tout près du mur pour qu'on ne voit pas la lueur par les lucarnes. Je viens de fumer une cigarette et de camoufler mon mégot entre deux planches. Maintenant je vais roupiller car il est temps d'éteindre; on pourrait apercevoir la lumière, j'ai bien arrangé mon lit et je pense que je vais bien dormir.

De garde au poste depuis hier au soir avec le sergent Rouxel, la nuit dernière j'ai couché au poste au lieu de la salle de police mais cela compte de la même façon. Ce soir je retourne en taule pour la dernière nuit. Je tacherai de sortir demain soir, il y aura juste quinze jours que je ne serai pas sorti en ville.

Je crois que nous devons retourner à la Concorde vers la fin de la semaine; nous serons encore plus tranquilles qu'à Rocabey.

Il est maintenant quatre heures, dans une heure nous allons manger la soupe. Je viens de la cuisine, les cuistots sont en train de faire des frites, nous allons nous régaler.

Je profite d'un dernier moment de jour pour écrire quelques lignes. Je suis enfermé depuis six heures et demi. Je viens d'installer mon lit. Au dehors la pluie tombe. Je crois que nous en avons pour la nuit. Après quelques jours de beau temps, celui-ci redevient mauvais. Enfin, cela ne va peut-être pas continuer. Je viens de fumer une cigarette; maintenant je vais me coucher, j'espère que cette dernière nuit se passera bien.

Ce matin réveil à une heure, départ pour une marche à deux heures du marin. Tenue de campagne complète. Nous avons fait une marche de quinze kilomètres dans la campagne et sommes arrivés à la Varde à cinq heures du matin. Là nous avons pris le jus car la roulante nous y avait précédé. Nous avons eu aussi un casse-croûte. Puis vers six heures nous avons fait des tirs à la mitrailleuse et nous sommes repartis pour Rocabey où nous sommes arrivés à huit heures et demi avec vingt à vingt-deux kilomètres dans les jambes.

Le reste de la journée nous avons eu repos et nettoyage des armes. Demain matin nous partons pour la Concorde avec tout notre barda.

Hier matin vers sept heures nous avons chargé tous nos paquetages ainsi que le matériel dans des voitures et à huit heures nous sommes partis pour la Concorde. Le reste de la journée nous avons eu repos; nous en avons profité pour nous installer dans notre ancienne caserne que nous avions quitté depuis deux mois bientôt.

L'herbe à poussé dans la cour, ça fera du travail pour les bleus qui ont déjà commencé à l'arracher.

Ce matin je suis allé à la messe au foyer; nous n'étions que cinq ou six... la C.M. était de piquet ainsi que la plupart des soldats de Rocabey. Cet après midi je ne suis pas sorti; d'ailleurs le temps a été assez mauvais toute la journée.

Les trois quarts des bleus sont en permission agricole et les anciens sont presque tous en vingt-quatre ou quarante-huit heures (car demain c'est férié en l'honneur des fêtes de la Légion Américaine à Paris) et il ne reste pas grand monde à la caserne: aujourd'hui nous étions en tout huit à la caserne. Les permissionnaires commencent à rentrer, même dès ce soir quelques permissionnaires agricoles. J'espère partir en permission moi aussi vers la fin de la semaine.

Toute la matinée, j'ai été dans la cour en train de regarder les bleus arracher de l'herbe; il est maintenant dix heures et demi et j'attends la soupe de onze heures.

Je viens de recevoir une lettre du pays, d'après ce que j'y vois le travail ne manque pas par là, c'est la saison des pommes et cette année il y en a pas mal. De plus le blé noir n'est pas encore battu et les pommes de terre sont mûres. Vivement que j'aille en perm. pour donner un coup de main; pourvu que le temps soit beau pendant ma permission. Aujourd'hui le temps est superbe, espérons qu'il va se maintenir.

Depuis hier au soir le vent souffle en tempête, accompagné d'averses arrachant aux vieux platanes de la cour les feuilles qui commencent à jaunir et qui vont toutes s'assembler dans un coin de la cour dans une course éperdue. On sent passer le souffle de l'automne. Dans les rares éclaircies où il réussit à percer entre deux nuages, le soleil n'a plus sa force du mois dernier. Le temps est plus froid, les nuits plus fraîches, la nature plus triste, la plainte du vent le soir devient lugubre entre les branches des arbres. Les oiseaux ne chantent plus, les hirondelles nous ont quitté pour aller chercher sous d'autres cieux un climat plus clément.

Je suis de garde au poste depuis hier au soir jusqu'à six heures ce soir. Dans la cour, les bleus sont encore occupés à arracher l'herbe; ils sont souvent obligés de quitter leur travail pour aller se mettre à l'abri des giboulées.

Hier après-midi nous avions exercice général comme tous les vendredis et nous devions faire une manœuvre du côté de La Varde. Nous sommes partis à midi malgré le temps peu sûr; lorsque nous sommes arrivés à La Varde la pluie s'est mise à tomber de telle sorte que nous avons été obligés de faire demi-tour aussitôt.

En revenant nous avons eu de la pluie tout le long du chemin; mais en arrivant près de l'hôpital, l'ondée s'est soudain changée en déluge, en quelques minutes la route s'est transformée en torrent; impossible de passer, la nuée a duré environ dix minutes mais nous avons été obligés d'attendre au moins une demi-heure que l'eau s'écoule pour rendre la route praticable. Nous sommes rentrés trempés à la caserne.

Aujourd'hui je suis encore de garde car nous ne sommes plus que deux caporaux (les autres sont en permission). Je ne pense pas encore m'en aller en permission avant la semaine prochaine et peut-être même en fin de semaine car je prends encore aujourd'hui la place de fonctionnaire sergent.

Depuis samedi dernier je fais les fonctions de sergent de semaine; ce n'est pas bien difficile. Je ne peux pas sortir le soir. Ces jours-ci presque tous les permissionnaires sont revenus, y compris trois caporaux, et je vais pouvoir partir en permission vendredi prochain. Je viens de voir ma permission au bureau, il n'y manque plus que la signature; il y a de l'espoir.

Hier au soir j'ai eu la visite de monsieur l'abbé Freuchet, ancien vicaire de Derval où je l'avais connu lorsque j'étais en pension. Il est maintenant curé de ......... , il était venu à St Malo dans le but d'aller au Mont St Michel et il en a profité pour rendre visite à Mr Harvard. Il était accompagné de Brizais, un de ses paroissiens soldat à Rocabey; malheureusement j'étais de garde et je n'ai pas pu sortir avec eux.

Cet après-midi je suis seul au poste; mon planton est parti à Rocabey avec la compagnie pour passer dans la chambre à gaz. Il ne reste à la caserne que les auxiliaires, un cuistot et un garde d'écurie. Ce soir je couche dans la chambre au-dessus du poste, je vais être bien tranquille là-dedans.

Ce matin départ à six heures, tenue de campagne sans sac et avec deux masques.

Itinéraire : St Servan - St Méloir-des-Ondes - La houle - Cancale - St Coulomb - Rothéneuf - La Varde - Rocabey - St Servan. Cela fait à peu près trente cinq kilomètres. Nous avons fait halte à St Coulomb pour la soupe. A La Varde nous avons fait des tirs à la mitrailleuse. Depuis La Varde jusqu'à la Concorde nous avons eu de la pluie, nous sommes rentrés trempés et harassés vers cinq heures et demi.

Avant de partir on nous a distribué le prêt de la dernière quinzaine de septembre.

Ce matin je suis allé à la messe au foyer où j'ai joué de l'harmonium. Aujourd'hui il fait un temps superbe (comme d'ailleurs depuis une semaine).

Cet après-midi je suis allé faire un tour à Dinard; avec quelques copains nous avons pris la vedette à St Servan, la mer était très calme et il n'y avait pas le moindre roulis. Au retour il faisait un peu de houle et le bateau avait un léger balancement mais pas assez pour avoir le mal de mer...

Dinard est une jolie ville avec d'immenses hôtels et de très jolies villas. La plage est très agréable. C'est une ville qui s'agrandit rapidement et beaucoup d'étrangers y viennent passer la saison.

De garde au poste depuis hier au soir jusqu'à six heures ce soir; il est six heures moins le quart, on va bientôt venir me relever.

Tous ces jours-ci j'ai à moitié le cafard, je n'ai pourtant jamais été aussi près de la classe : c'est du vingt-trois au jus!

Le beau temps continue et lorsque le soleil donne il fait bon, mais à l'ombre il fait froid; les nuits sont fraîches et le matin c'est tout juste si la gelée n'apparaît pas sur l'herbe, on sent que l'hiver approche à grands pas.

Ce matin départ à deux heures trente pour une marche de nuit; nous avons fait environ quinze kilomètres et sommes arrivés à La Varde à cinq heures et demi. Là nous avons pris le jus et un casse-croûte, ensuite nous avons fait des tirs. Vers huit heures nous avons repris le chemin de la caserne où nous sommes rentrés vers neuf heures trente.

Le reste de la journée, nettoyage de la cour et préparation des bleus pour le challenge du nombre, théorie, etc.

Hier au soir, vers dix heures, tout le monde dormait profondément lorsqu'un planton du poste fait irruption dans la chambre en crient : "Au feu! Tout le monde en bas!". Nous nous levons aussitôt et nous habillons en vitesse tout en interrogeant le planton qui nous raconte qu'un civil vient d'avertir le poste qu'il y a le feu place Constantine, à cinq cents mètres d'ici. (Ouest-Eclair)

Aussitôt habillés nous descendons l'escalier quatre à quatre et nous courons dans la direction du feu. En effet du côté de la place Constantine nous apercevons dans la nuit une grande lueur rouge qui embrase tout un coin du ciel, et nous courons toujours dans la direction. A plus de cent mètres de l'incendie des étincelles emportées par le vent tombent autour de nous. Le feu est pris dans une remise entourée de maisons et qui servait de magasin à un chiffonnier en gros. Dans cette remise se trouvait aussi un cheval et un chien qui tous les deux furent grillés. Lorsque nous sommes arrivés sur les lieux le bâtiment s'écroulait avec fracas faisant jaillir des milliers d'étincelles pendant que le feu redoublait de fureur, car aucune pompe ne marchait encore.

Très près du foyer une petite maison toute neuve était gravement menacée, déjà les flammes léchaient les murs de leurs longues embrasées et sous l'action de la chaleur les briques prenaient une couleur blanche. Des hommes étaient occupés à enlever tout ce qui représentai quelque valeur, mobilier, bibelots, glaces, etc.

Sans perdre de temps nous organisons une chaîne avec des seaux en toile et bientôt la pompe commence à arroser la maison; de leurs côtés les pompiers commencent eux aussi à arroser les flammes. Le feu semble reculer mais la situation reste dangereuse, par moments le feu semble regagner du terrain, une épaisse fumée nous prend à la gorge, odeurs de chiffons, peaux de lapin et pneus d'autos qui remplissaient la remise.

Enfin voilà l'auto pompe, elle s'arrête au milieu de la rue. Très vite les pompiers installent les tuyaux et bientôt deux puissantes lances déversent sur le foyer des jets continus. Au bout d'une heure nous sommes complètement maîtres du feu.

Nous sommes rentrés à la caserne à deux heures et demi. Ce matin je me suis levé à neuf heures, nous avons repos toute la matinée.

De garde toute la journée. Je suis sorti ce soir, je suis allé au foyer avec le caporal Barlié, nous sommes rentrés à neuf heures et demi.

Ces jours-ci nous faisons un peu d'exercice le matin; I.P. et entraînement des jeunes soldats pour le challenge du nombre qui doit avoir lieu le 28. L'après-midi lancement de la grenade, tir, théorie sur la mitrailleuse; pour ma part je fais la théorie sur la mitraillette "Maxim" qui est la mitraillette boche.

Aujourd'hui nous avons eu le concours de tir du régiment à La Varde, c'est un soldat de la C.M. qui a fait le meilleur tir au fusil pour le 3eme bataillon; le tir au pistolet a été aussi remporté par la C.M. ainsi que le lancement de la grenade.

Ce matin je me suis porté malade, le major m'a mis un jour exempt de service. Depuis ce matin je garde la chambre, je suis tout juste descendu pour la soupe.

Il est trois heures et demi, la compagnie est partie à Rocabey pour une prise d'armes.

Depuis ce midi tombe une petite pluie persistante qui fini par former des flaques d'eau dans la cour; le temps est assez froid, c'est vrai que l'hiver approche, nous sommes au vingt et un octobre; il fait nuit maintenant à cinq heures et demi et malgré moi je rêve aux bonnes veillées en famille autour d'un bon feu, grignotant gaiement les châtaignes grillées en buvant du cidre doux, et qui ne me rappelleront sans doute en rien celles de l'hiver dernier passées dans une chambre sans feu ou dans les rues sales et mal éclairées de St Brieuc.

Il reste encore quinze jours avant la classe, il me semble n'avoir jamais trouvé le temps aussi long. Comme le disait ces jours-ci un copain : les jours semblent être de quarante-huit heures. Enfin la classe vient : Vive la Classe!

Ce matin messe' au foyer, assistance assez nombreuse; nous avons eu la grand-messe que j'ai accompagné.

Hier les élèves caporaux sont rentrés de St Brieuc. L'un deux (Bertin) est caporal, parmi les huit autres un seul est reçu (Doré). Voilà nos remplaçants qui arrivent, ça sent le libération.

Ce matin on nous a fait faire nos sacs en prévision d'une manœuvre que nous devons faire ces jours-ci et qui sera annoncée par surprise. Elle doit durer deux ou trois jours. Les soldats de Rennes et de Dinan viendront manœuvrer avec nous.

Au dehors la pluie tombe, s'il fait un temps pareil pour la manœuvre ce sera intéressant...

Ce soir vers six heures et demi le caporal Pirio est venu dans ma chambre et a viré quatre ou cinq lits, il est ensuite sorti. Le sergent Soitier attiré par le bruit est venu voir ce qui se passait. Voyant les lits culbutés il s'est mis en colère et m'a collé deux jours de consigne comme chef de chambrée; pourvu que cela ne monte pas trop haut.

Ce matin branle-bas à neuf heures pour passer la revue avant le départ pour la manœuvre en tenue de campagne avec sac complet. Nous sommes revenus pour la soupe. A onze heures et demi départ en tenue de campagne pour exercice d'embarquement. L'exercice est fini à une heure et demi; le reste de l'après-midi nous avons été tranquilles. Aucune nouvelle de la fameuse manœ-uvre, je crois que ce ne sera pas pour aujourd'hui.

Cet après midi l'adjudant m'a fait descendre au bureau et m'a parlé de ma punition; il m'a dit que je ne devais pas tolérer de pagaille dans ma chambre et qu'en conséquence il ajoutait deux jours de consigne aux deux jours portés par le sergent Soitier; cela fait déjà quatre jours, pourvu que le capitaine n'augmente pas encore ça.

De garde au poste de la Concorde. Toute la matinée nous avons fait l'exercice. Cet après midi : revue - douches, j'en ai profité pour me raser.

Ce soir vers cinq heures et demi nous avons reçu un coup de téléphone, c'était pour la manœuvre. Demain nous prenons le train de six heures et demi; direction Rennes, je crois que nous devons descendre à Montreuil sur Ille.

Il faut que je finisse mon sac pour aller me coucher car il est déjà neuf heures et il ne faudra pas faire la grâce matinée demain matin. Heureusement que je couche tout habillé cette nuit, la toilette sera vite faite.

Au lever je viens d'envoyer mes hommes faire le réveil, il est quatre heures moins le quart; à cinq heures il faudra être prêt à partir. Je n'ai que le temps de me mettre en tenue et EN AVANT!

Jeudi soir - Ce matin nous avons embarqué à six heures en gare de St Malo d'où nous sommes partis vers sept heures et demi pour Montreuil sur Ille. Vers neuf heures et demi un détachement de tirailleurs malgaches s'y trouvaient déjà. Après une pause d'une demi-heure dans la cour de la gare nous prenons la direction de Feins qui se trouve à trois kilomètres environ. Nous y arrivons vers dix heures et demi. Là nous nous installons dans les dépendances d'un hôtel tout près de l'église. Nous logeons dans un grand grenier rempli de bottes de foin.

Le roulante est installée dans la cour, nous n'avons pas loin à aller chercher la soupe. On nous permet d'aller à l'hôtel boire un coup, il y a du bon cidre à dix-huit sous le litre.

A une heure nous sommes partis prendre nos postes de combat aux alentours du bourg. Nous sommes restés tout l'après-midi à attendre l"ennemi sur le bord d'une route, mais nous n'avons rien aperçu; nous sommes rentrés pour la soupe à la nuit tombante.

Ce soir je suis sorti avec quelques copains visiter un peu le patelin et j'ai acheté quelques cartes postales au bureau de tabac.

Réveil ce matin à cinq heures; nous prenons le jus dans l'obscurité ainsi qu'un léger casse-croûte, et à six heures nous partons pour Aubigné sous la conduite du lieutenant Houel qui commande la section. Aubigné est un petit bourg qui se trouve à environ quatre kilomètres de Feins. Nous franchissons la distance en moins de quarante minutes.

En arrivant nous trouvons un colonel d'artillerie qui nous dit ce que nous avons à faire. il s'agit de protéger le bourg contre une attaque, mais comme nous sommes en réserve il est probable que comme hier l'ennemi ne viendra pas jusqu'à nous.

Avec mon groupe je suis placé dans un champ de trèfle en bordure de la route à cinquante mètre environ d'une ferme. Nous avons passé toute la matinée à la même place sans voir l'ennemi. Une batterie de 75 placée à notre droite à tiré quelques coups de canon et c'est tout.

Heureusement que le fermier était un bon garçon, il a rempli nos bidons et nous a donné à boire tout ce que nous voulions; de cette manière le temps ne nous a pas paru trop long.

Vers midi nous avons repris la direction de Feins où nous avons mangé la soupe.

Nous sommes partis pour Montreuil à trois heures dont nous avons eu le temps de visiter le bourg avant de prendre le train. Je suis allé boire un coup au bureau de tabac où j'ai acheté quelques cartes postales. Ensuite nous avons pris la soupe dans la cour de la gare et nous avons embarqué vers cinq heures et demi dans des wagons sans lumière; si bien que jusqu'à St Malo nous avons voyagé dans l'obscurité.

Nous sommes arrivés à St Malo vers neuf heures moins le quart pas fâchés de rentrer à la caserne retrouver notre lit.

Je pars ce midi en permission de trois jours à l'occasion des fêtes de la Toussaint.

Ce matin vers sept heure et demi nous avons rendu nos affaires excepté la tenue "3" que nous rendrons vendredi.

Le chef (Pilorget) nous a remis aujourd'hui le prix de nos billets de chemin de fer pour le retour.

Ce matin nous avons rendu la tenue "3". Cet après-midi le fourrier nous a remis notre dernier prêt ainsi que le tabac. Depuis ce matin les libérables sont en civil.

Vers deux heures le capitaine Noé et le lieutenant Holley sont venus nous faire leurs adieux.

Ce soir je suis descendu au foyer dire au revoir au père Havard. Je suis revenu pour l'appel.

J'ai acheté quelques cartes postales à St Malo, c'est sans doute la dernière fois que j'y vais.

Nous attendons le ...... ( fourny ?) qui doit nous y conduire en colonne par trois!